H I S T O I R E .

C’était il y a si longtemps. Est-il possible qu’ils s’en souviennent encore ? Tant de choses s’étaient produites, depuis ce jour béni. Edward Cullen avait demandé la main de Bella Swan, à l’époque. Et cette dernière, après un temps d’hésitation et un amour naissant pour son ami Jacob Black, avait accepté. C’était mieux ainsi. Les deux jeunes gens s’aimaient et la douce enfant rêvait par dessus-tout d’être à son tour une créature éternelle, pour chérir son tendre époux pour toujours. Les vœux prononcés, les promesses celées. Les noces avaient été des plus belles. L’on en parla encore pendant plusieurs décennies. Mais il est vrai que pour Charlie Swan et Renée Dwyer, parents de la mariée, tout s’était passé trop rapidement. Leur fille n’avait que dix-huit ans, après tout. Mais si Bella désirait s’unir à l’homme qu’elle aimait, rien ni personne ne pouvait l’arrêter. Il en avait été décidé ainsi. Alice Cullen, sœur du marié, avait préparé la cérémonie. Digne des grands, évidemment. Mais selon elle, ce mariage était prévu depuis longtemps déjà. Bella et Edward n’avaient eu à s’occuper de rien. Tout s’était déroulé si parfaitement. Etonnant. Et devant les témoins, familles et amis réunis, le jeune couple s’était promis amour et tendresse pour l’éternité. Un mot qui n’avait certainement pas la même connotation pour tout le monde. Jusque dans la mort. Après la mort. Quelques heures à peine après la fin de la cérémonie, Bella et Edward s’étaient envolés pour l’Angleterre. Ils y étaient restés plus d’un mois. Du moins, c’est ce qu’on raconte. Une semaine avait suffit. Ensuite, en douce, ils étaient revenus à Forks. Un nouveau vampire allait bientôt naître. Une autre promesse qui se devait d’être accomplie. Bella perdrait la vie. Son âme, comme le pensait tristement son époux. Pourtant, elle en avait envie. Mais semblait toute fois paniquée.

« C’est normal, tu es la première à choisir ta destinée, Bella »
« Il faudrait que tu fasse cela rapidement. Tu comprends ? »
« Je sais que tu va souffrir. Tu le sais aussi bien que moi. Mais si tu le souhaite plus que tout, je ne peux plus renoncer. J’ai promis. Je vais le faire. Je t’aime tellement »

Tout avait commencé par des mots doux. Et lentement, Edward avait déposé un baiser sur le front de sa femme. Puis sur son nez. Sur sa bouche, à plusieurs reprises. Et le jeune homme avait glissé vers ce cou, si blanc et si pur. La suite n’était pas des plus brillantes, chacun doit s’en douter. Bella avait souffert, plusieurs jours, plusieurs nuits. Lorsqu’elle s’était réveillée de ce cauchemar, elle savait qu’elle était devenue quelqu’un d’autre. Que son cœur s’était arrêté de battre à jamais et qu’un désir comme elle n’en avait connu de semblable était né : celui de tuer. Tuer pour se nourrir. De sang frais. Et pire encore ; la jeune femme fut dotée d'un don. Ce fut certainement le plus dur à contrôler. Bella se rendit compte assez rapidement qu’elle avait la capacité de voler momentanément le pouvoir de ses frères et sœurs, afin de s’en servir contre eux, si nécessaire. Un pouvoir très éprouvant et terrifiant. Carlisle et Edward furent ceux qui l’aidèrent le plus. Cela fut terriblement dur, les premiers mois. Les premières années aussi, malheureusement. Bella devait surveiller ses moindres faits et gestes et ses propres parents devinrent rapidement des étrangers. Plus question d’amis. Un jeune vampire était bien trop dangereux à fréquenter. Toute fois, un être manquait à la jeune femme, une personne qu’elle n’avait plus revue depuis des années, maintenant. Jacob Black. Impossible de renouer, néanmoins. Les meilleurs amis étaient devenus les meilleurs ennemis. Une peine immense ; une perte irremplaçable. Edward, affligé par la détresse profonde de son épouse, décida de l’emmener vivre ailleurs. Tous les Cullen s’en allèrent donc en Alaska, rejoindre Tanya et son clan. Cette cohabitation dura longtemps. Si longtemps que les parents de Bella moururent, après avoir connu une longue vie d’humains. Nouveau supplice pour l’ancienne Swan. Le temps effaça finalement les blessures et après plusieurs années, Carlisle décida qu’il était temps de trouver un nouveau confrère pour la famille. Mais la personne que celui-ci transforma fut un enfant, contre toute attente. Une pauvre fillette abandonnée, à moitié morte. Une fois de plus, l’aîné des Cullen sauva une vie. Ou mis fin à une autre, tout dépend la façon de voir les choses. Acte qui ne sembla pas plaire à tout le monde. Très vite, le clan de Volturi débarqua en Alaska. Une seule crainte ; que la famille s’agrandisse et soit désormais plus forte que tout autre clan. Ridicule, ce que s’empressa d’approuver Carlisle. Pourtant, les Volturi restèrent plus longtemps que prévu en Alaska. Ce qui ne perturba pas plus les choses que cela. Les enfants Cullen entamèrent un cycle de plus au lycée. La routine. Jusqu’à ce que les loups-garous refassent surface.

Il était aux alentours de dix heures, ce soir-là. Le vieil homme attendait, soupirant, posé dans son canapé. Son petit fils lui avait donné rendez-vous. Pourquoi si tard ? Jacob Black ne savait pas très bien mais semblait se douter que quelque chose allait arriver. Soudain, trois coups furent donnés à la porte de la petite maison. La porte grinça et un jeune homme entra. Il n’avait pas plus de dix-huit ans, c’était certain. Il était beau, grand et terrifiant. Il se précipita vers son grand-père, qu’il serra dans ses bras musclés. Le vieil homme avait toujours été le héro de Kersh Black. Ce dernier connaissait les légendes Quileute depuis longtemps ; légendes auxquelles il s’était intéressé tout de suite. S’agenouillant au pied du canapé, l’indien ouvrit la bouche. Lorsqu’il regardait son aïeul, il pouvait lire la peine et la nostalgie dans ses yeux. Sa jeunesse s’échappait, chaque jour et cela lui brisait le cœur. Dire qu’il avait été un jeune homme fort et courageux, comme lui. Kersh soupira. Il prit la main de Jacob, qu’il serra dans la sienne. Le vieil homme lui sourit, l’incitant à parler.

« Racontes-moi une dernière fois ton histoire, grand-père »

Intrigué, l’ancien arqua un sourcil. Pourquoi cette volonté soudaine ? L’enfant ne connaissait-il déjà pas toutes les aventures de son grand-père ? Il fronça les sourcils. Bella était dans ses pensées, jour et nuit. Elle ne l’avait jamais quitté. Oh, elle ne devait pas avoir changé, en cent ans. Elle était devenue immortelle et la savoir près de cet Edward depuis tout ce temps ne l’enchantait pas. Le buveur de sang la lui avait volée. Pourtant, Jacob avait cru pouvoir la faire changer d’avis, avant le mariage. Mais Bella avait choisi sa voie. Elle était devenue une Cullen, soit son ennemie jurée. L’homme serra doucement la main de son petit-fils à son tour. Peine. Injustice. Nostalgie. Il n’était plus le Jacob d’autrefois. Il était vieux maintenant et comme ses ancêtres, il finirait par s’éteindre, vite. Posant ses yeux sur Kersh, il éleva enfin la voix.

« Il est tard, mon enfant. Tu devrais retourner auprès de tes parents et profiter de cette merveilleuse nuit »
« Grand-père, je t’en prie. J’ai besoin de toi, maintenant. Il faut que tu raconte une fois encore, l’histoire de cette Bella Swan. Pitié … »
« Bien, très bien. Mais je suis fatigué ; j’abrègerais donc les détails »
« D’accord. Merci infiniment »

Ils échangèrent un sourire complice. Jacob se doutait que son petit-fils allait partir à la recherche de celle qu’il avait aimée. Aucune raison qu’il en soit autrement. Tout le prouvait. Cette demande et surtout le sac à dos que le jeune indien avait sur le dos. Il partait, laissant derrière lui sa famille. Mais savait-il seulement où les trouver ? Il avait entendu dire que les Cullen s’étaient rendus en Alaska. Dans le temps, il lui arrivait même de recevoir quelques lettres de sa Bella, celle qu’il avait connu. Elle se montrait bien plus froide et distante, certes, mais elle ne l’avait jamais oublié. Soupirant une nouvelle voix, le vieil homme commença son récit, passionnant.

« C’était il y a bien longtemps. A l’époque, je n’étais pas plus âgé que toi, mon garçon. Mon père était le meilleur ami de Charlie Swan, qui recevait sa fille, venue vivre à Forks après le remariage de sa mère. Elle s’appelait Isabella Mary Swan. Dès que je l’ai vu, j’ai tout de suite su ce qu’il se passait. Mon cœur ne cessait de s’emballer, elle provoquait des sentiments nouveaux en moi. Mais elle avait choisi une autre voix. Elle aimait un vampire. Il s’appelait Edward Cullen, le fils de l’ennemi de mes aïeuls. Ils sont restés ensemble environ six mois, la première année. Puis, il est parti. Bella a eu le cœur brisé. C’est grâce à moi si elle a retrouvé goût à la vie. Nous étions les meilleurs amis du monde ; nous nous aimions très fort. Mais il est revenu. Ma pauvre amie semblait perturbée mais elle est de suite retournée près de lui. Evidemment, nous nous voyions, quelques jours par semaine. Elle me manquait ; je lui manquais. Ensuite, les loups garous et les vampires ont du faire équipe. Bella était menacé par l’une des leurs et nous ne voulions que la protéger. Juste avant la bataille, elle m’a avoué qu’elle m’aimait. Je pensais alors qu’elle me rejoindrait. Mais j’avais tord. Elle m’a finalement annoncé ses fiançailles avec Edward. J’étais bouleversé ; alors je suis parti. Je suis resté un loup, durant plusieurs mois. Puis, le jour du mariage, je suis revenu à Forks. Je ne pouvais penser qu’elle accepterait cette union. Mais une fois encore, je me suis trompé. Après la cérémonie, le couple est parti en lune de miel. J’imagine qu’il l’a mordu, puisqu’ils ne sont jamais revenus. J’avais des lettres, de temps en temps, mais rien de plus. Elle m’a brisé le cœur, je ne sais pas encore comment j’ai pu m’en remettre. Ensuite, je me suis marié à mon tour. Ta grand-mère est tombée enceinte et ton père est né. Evidemment, je n’ai jamais oublié Bella. Je pense à elle tellement souvent. Pire encore, maintenant que ma pauvre femme est morte… »

Trop à supporter. Le jeune indien passa un doigt sur les lèvres abîmées de son grand-père. Il fallait le venger. Soupirant, Kersh serra le vieil homme dans ses bras. Il devait partir. Au plus vite. S’il ne le faisait pas maintenant, il aurait rapidement Kelisha et les autres sur les bras. Il se devait d’être seul. Il fallait la retrouver et la tuer. « Adieu », durent les derniers mots du jeune homme. Il sourit, heureux d’avoir vu son grand-père pour la dernière fois de sa vie. Du moins, c’est ce qu’il pensait. Il ferait peut être souffrir Bella, mais les autres vampires se chargeraient vite de lui. Il allait mourir, seul. Au moins, il n’aurait pas fait tout cela pour rien. Dernier regard vers son aïeul et quelques pas en direction de la porte. Lorsqu’il passa le seuil de la porte, Kersh s’assura que personne ne se trouvait dans les alentours. Un départ incognito. Puis, il se mit à courir vers la forêt. Se transformant ensuite en loup monstrueux, il quitta la Push, à jamais. Dans la maisonnée, Jacob Black soupira, regardant par la fenêtre. Il n’aurait de toute façon pas pu arrêter son petit-fils. Se dirigeant vers le téléphone, le vieillard saisit l’appareil et composa un numéro. Une voix féminine décrocha.

« C’est moi, ma chérie. Je crois que ton frère s’apprête à faire une bêtise. »

Kelisha ouvrit la porte à la volée, quelques minutes après l’appel. Son grand-père lui expliqua rapidement la situation. Elle devait retrouver son frère, tenter de l’arrêter. Courant vers la forêt, elle se transforma en loup à son tour. Ce n’est qu’un jour après que Jacob mis au courant le reste de la meute. Tous décidèrent donc d’aider leurs frères. Et c’est ainsi que les chemins se croisent. Alaska.